Festivité à la Féclaz

Dimanche 14 fevrier 2021, Déclic-militant est allé suivre l’action festive organisée par le collectif contre la retenue collinaire de la Féclaz. Dont voici quelques informations sur la situation.

Communiqué du collectif opposé à la retenue collinaire de la Féclaz :

INFORMATIONS SUR LE PROJET DE
RETENUE COLLINAIRE DE LA FÉCLAZ

Détail du projet
Les retenues collinaires sont des ouvrages de stockage de l’eau alimentés par les eaux de ruissellement et les précipitations. Dans le cas de la retenue de la Féclaz, il s’agit d’ajouter un pompage dans le puits de La Cha, source souterraine de La Doria. Le projet prévoit une capacité de stockage d’environ 25 000 m3 (l’équivalent de 8 piscines olympiques), pour une surface totale de 7 770 m2, destinée à alimenter32 canons à neige à 1 320 m d’altitude.

D’après les porteurs du projet, la retenue collinaire vise à viabiliser la « ressource neige » sur certaines zones de la station en début et fin de saison pour les 10 à 15 prochaines années. Cette retenue devrait permettre d’alimenter un nouveau réseau de neige de culture pour limiter la perte de la fréquentation dans les années à venir. L’objectif annoncé : enneiger 3% des pistes de ski nordique (piste de biathlon goudronnée) et 1% des pistes de ski alpin (l’espace débutant alpin).

Le projet initial voté par les élus affichait un budget prévisionnel de 3,75 millions d’euros, sur la base de subventions (Région Auvergne Rhône Alpes, Département de la Savoie), fonds propres et emprunts (Syndicat Mixte des Stations des Bauges). L’enquête publique fait quant à elle état d’un budget de 3,2 millions d’euros pour financer ce projet. Les données communiquées ne permettent pas d’identifier cette différence. Dans les deux cas, le budget du projet paraît démesuré, en particulier si l’on considère les difficultés économiques à venir en raison de la crise sanitaire. Aucune mention n’est faite des coûts de maintenance des équipements.

Durabilité et viabilité

La viabilité du projet pose question : à cette altitude, l’enneigement artificiel peut difficilement constituer sur le long terme une garantie de neige ou une adaptation au changement climatique déjà à l’œuvre. Pour former une couche de neige suffisante à l’opération d’une piste de ski, les températures doivent rester inférieures à -3°C pendant une fenêtre de 72 heures, -6°C pour une neige de bonne qualité. Ces fenêtres d’enneigement deviendront de plus en plus aléatoires à l’avenir, la hausse des températures étant deux fois plus importante dans les Alpes que dans le reste de l’hémisphère nord. Dans le cas présent, les prévisions climatiques présentées lors de l’étude préalable du projet sont basées sur l’extrapolation linéaire et simpliste d’augmentation des températures d’un rapport « Gestion durables des territoires de montagnes-neige de culture » de 2009 commandé par la DDT de la Savoie. Cette projection est jugée très optimiste par la spécialiste Carmen DE JONG (Université de Strasbourg) et déjà mise à mal en 2018 (+2°C dans les Alpes). Pour exemple, la création de telles retenues n’est plus opérée à moins de
1 500m d’altitude dans les stations autrichiennes.

« Bientôt une ZAD à La Féclaz en Savoie ? »

Les retenues collinaires sont souvent présentées comme des espaces de loisirs et de pastoralisme pour l’obtention de subventions ou le vote de ce type de projet. En réalité, la baignade, le canotage et l’abreuvage des troupeaux y seront interdits en raison des problèmes de sécurité et d’hygiène pour les usagers. Les loisirs estivaux liés à la retenue collinaire sont donc illusoires,
sans parler de la pollution visuelle représentée par ce type d’aménagements (trou d’eau artificiel disgracieux, bien visible sur la photo ci-après de la retenue de Crêt-béni dans la vallée d’Abondance).

D’un point de vue économique, cet ouvrage vise à maintenir l’activité en viabilisant l’enneigement sur de très petites zones de la station. Il pourra peut-être prolonger de quelques jours la couverture neigeuse en début ou en fin de saison si les températures le permettent. L’équilibre économique d’un tel projet étant basé sur des projections climatiques très optimistes pour les 15 prochaines années, il est fort probable qu’il soit finalement déficitaire, une perte de fréquentation se cumulant au remboursement de la dette. De plus, la dégradation du milieu naturel comme du paysage sera une entrave à un développement du tourisme « 4 saisons » dans cette zone.

Que faire de cette retenue au-delà de sa période d’exploitation ? Le dossier de déclaration ne comporte aucune présentation de la réversibilité de la retenue collinaire, des réseaux et du démontage des canons à neige en fin de période d’exploitation.

Pourquoi une mobilisation contre ce projet ?

Plusieurs associations (les Amis de la Terre, Greenpeace, Youth for Climate, Extinction Rébellion…) et habitants se mobilisent pour des questions écologiques, économiques et sociétales en soulevant de nombreux points en plus de ceux cités précédemment :

L’artificialisation des sols et des paysages : l’une des problématiques les plus importantes car elle engendre des dommages à très long terme sur l’environnement et la biodiversité.

Le caractère sommaire de l’étude économique du projet : le financement initial, une hypothèse très optimiste sur le remboursement de la dette du Syndicat Mixte des Stations des Bauges comme sur l’amortissement du projet, l’absence d’information sur les coûts d’entretien (installation du pompage, réseau de canalisations…) et la remise en état du site.

La présentation erronée du projet faite par certains élus : la vidéo d’une réunion du Syndicat Mixte des Stations des Bauges témoigne d’un contournement volontaire de la réalité d’exploitation du projet (« pastoralisme » et « récréatif ») pour le faire accepter et financer.  « Canons à neige à La Féclaz, de la poudre aux yeux ? »

L’impact sur la faune et la flore : perte d’espace naturel (principal vecteur de l’effondrement de la biodiversité), risque de noyade pour les animaux sauvages.

Un impact sur la forêt considéré comme nul dans l’étude d’impact environnemental alors qu’un déboisement est prévu pour ouvrir de nouveaux pâturages en mesures compensatoires aux éleveurs.

Un fort risque de conflit d’usage de la ressource en eau : le plateau karstique de la Féclaz est en équilibre précaire, voire en déséquilibre quantitatif. Des conflits d’usage ont déjà été observés dans d’autres stations (les Gets, Samoëns, La Clusaz, l’Alpe d’Huez…). Ce type de conflit souvent écarté lors de la présentation des projets n’apparaît qu’en cours d’exploitation lors de tensions économiques et/ou climatiques.

La modification du cycle naturel de l’eau : un stockage d’eau diminuant les écoulements normaux lors du remplissage de la retenue, des eaux de fontes modifiées au printemps, des pertes nettes non négligeables par évaporation (entre 10 et 30%).

Un impact agricole fort avec la perte de près 8000 m2 de pâturage.

Conclusion

Les opposants et les porteurs du projet de retenue collinaire semblent s’accorder sur la nécessité d’une transition vers un tourisme « 4 saisons » pour la station de La Féclaz, du fait du réchauffement climatique.

Toute la question repose donc sur les choix de projets, leur temporalité et les difficultés économiques accompagnant cette transition.

Dans le cas présent, le choix politique s’est orienté vers un maintien à court terme de l’activité ski au détriment de la préservation écologique du milieu et d’un développement durable de l’économie du plateau.

La commune des Déserts étant actuellement très dépendante du tourisme hivernal, le déclin de ce dernier devrait être l’occasion de rééquilibrer la fréquentation sur l’année, afin de mieux rentabiliser les équipements et le parc immobilier existant. Une telle évolution devrait aussi permettre de diversifier les emplois, encourageant les saisonniers à s’installer de manière pérenne sur la commune.

Si l’on prend en compte les bouleversements climatiques – actuels et à venir – les risques et le coût du projet, il paraît plus judicieux de subventionner des projets durables et responsables à long terme, comme par exemple l’agriculture, l’agritourisme et les activités de quatre saisons (VTT, événements culturels, accrobranche, randonnées équestres et pédestres…). L’épidémie actuelle est une opportunité de réinventer dès à présent le tourisme en montagne. Il est donc nécessaire d’accompagner financièrement
les acteurs économiques du plateau afin de les soutenir dans leur transition vers de nouveaux secteurs d’activité en concertation avec les citoyens.

Le décompte des réponses à l’enquête publique donne 25 avis favorables, 126 avis défavorables.
Le Commissaire enquêteur qui a émis un avis favorable aux travaux a pris soin de préciser dans son rapport : « Si la présente enquête publique avait été préalable à une déclaration d’utilité publique, il est clair que nous aurions été appelés à formuler un avis défavorable. »

Au vu des raisons citées précédemment, les Amis de la Terre en Savoie ont déposé deux recours juridiques auprès du tribunal administratif de Grenoble et de nombreuses mobilisations ont été et seront mises en œuvre par le collectif d’associations.

Ces actions non-violentes ont pour objectif un développement viable, durable et respectueux de l’environnement pour le plateau de La Féclaz en empêchant la mise en œuvre de projets qui ne respectent pas ces critères.

Le collectif opposé à la retenue collinaire de la Féclaz : (retenuefeclaz@protonmail.com)

Extinction Rebellion

Youth for Climate

Les Amis de la Terre Savoie